Une association contrôlée positive au lobbying sur les éthylotests

Ce 1er juillet, tous les automobilistes devront posséder dans leurs véhicules au moins un éthylotest (deux s’il s’agit de modèles dits chimiques les plus répandus car les moins onéreux). Déjà, pointent à l’horizon des pénuries d’appareils ici et là, et le jackpot pour les fabricants de ces outils.

Derrière cette mesure qui a l’apparence d’un outil de santé publique et de sécurité routière se cache un acte de lobbying plutôt réussi de la part du principal fabricant d’éthylotests. Un peu à la manière des fabricants d’avertisseurs de radars l’an passé.

L’histoire commence avec la création d’une association. I-Tests tel est son nom. Cette association promeut l’obligation par les automobilistes de posséder des éthylotests dans leurs véhicules. Quelques mois après la création de cette association, un décret demandé par cette association est signé le 1er mars pour une entrée en application le 1er juillet donc. Nous y sommes.

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Depuis, de nombreux articles ont mis en avant le fait que le président de l’association I-Tests était également salarié de la société leader du marché de l’éthylotest qui s’est arrogée la quasi-totalité du marché, Contralco.

Ces accusations proviennent d’une autre association, La ligue de défense des conducteurs (LDC pour les intimes), nous y reviendrons.

I-tests, un lobbying à visage ouvert

Daniel Orgeval est président de l’association I-Test et salarié de Contralco. Il ne s’en cachait pas d’ailleurs le 1er septembre dernier à l’Assemblée nationale lors d’une table-ronde consacrée à la sécurité routière.

“M. Daniel Orgeval, président de l’association I-Tests. La jeune association I-Tests que je préside regroupe les industriels et les spécialistes de la production des appareils de mesurage et de dépistage de l’alcoolémie et des stupéfiants. Elle a pour vocation de consigner les questions qui nous reviennent de façon récurrente et de faire des propositions”.

Le fait que Daniel Orgeval soit membre de Contralco n’est une surprise pour personne. Il est courant qu’au sein des associations professionnelles, qui sont des relais essentiels de lobbying, les animateurs soient salariés par des entreprises membres. Ce qui est intéressant ici est le fait que cette association créée à l’été 2011 soit si vite invitée à participer à des manifestations à l’Assemblée nationale. On en connaît qui ont attendu plus longtemps pour déambuler dans les couloirs de l’Assemblée.

Intéressante aussi une autre remarque de Daniel Orgeval lors de cette réunion :

“Ainsi, nous réclamons l’application, par un décret en Conseil d’État, de la disposition de l’article L. 234-14 du code de la route prévoyant que tout automobiliste justifie de la possession d’un éthylotest. Dans une enquête menée par RTL, 70 % des votants se sont prononcés pour cette mesure”.

Il y a là deux choses. Un, le lobbying ne se cache pas ici. Après avoir énoncé être le représentant d’intérêts industriels, il indique que son but est de faire changer la loi. Deux, il évoque l’opinion publique comme argument de sa proposition. Inside et outside lobbying mêlés. Ce qui n’est pas l’avis des internautes de la radio citée, quelques mois plus tard.

De plus, la demande porte sur l’application d’un article du Code de la route datant de plus de dix ans.


D’autres intérêts à venir

L’affaire n’en est donc pas véritablement une. En tout cas pas cachée. Sauf que… Dans un article du site lequipement.fr, on peut lire ceci

“les éthylotests à usage unique périment en 18 à 24 mois mais sont également très sensibles aux écarts de température. (…) Contralco précisait récemment travailler « avec des députés pour voir comment l’éthylotest pourrait être considéré comme un produit de prévention et se voir appliquer un taux de TVA à 5,5 %. » Car en étant taxé à 19,6 %, et bientôt 21,2 %, le jackpot est multiple”.

Voilà qui devient intéressant. C’est le double effet kiss-cool de la mesure. Non seulement, l’éthylotest est obligatoire mais comme il est un outil de prévention, ce que son caractère obligatoire renforce, alors son taux de TVA doit baisser. Très fort.

Pour commenter cette mesure, Dominique Bussereau, ancien ministre des Transports n’y est pas allée de main morte. Dans les colonnes de Sud-Ouest, il indique :

“La Ligue de défense des conducteurs a beau être composée de gens primaires et désagréables, je trouve très choquant que le président de l’association en faveur des éthylotests soit également employé de l’entreprise qui les fabrique”.

Hic et nunc

Dominique Bussereau qui n’est pas né de la dernière pluie devrait pourtant savoir qu’en France cela ressemble plutôt à une coutume. Il n’est qu’à voir la situation de nombre syndicats patronaux ou salariés.

Et l’ancien ministre de continuer :

“De toute façon, la vraie solution serait d’équiper en série les véhicules. Hélas, j’ai senti du conservatisme et de la paresse intellectuelle chez les constructeurs automobiles quand je cherchais à les convaincre”.

Ce qui est conforme à que, alors ministre, il déclarait en 2008,

“Dominique Bussereau est revenu sur les mesures envisagées pour lutter contre l’alcool au volant. Le secrétaire d’État chargé des Transports a notamment prôné l’autocontrôle, grâce à l’éthylotest : « Pour que l’on puisse à tout moment s’auto-évaluer, l’éthylotest sera généralisé dans les voitures, et vraisemblablement obligatoire un jour. Deuxièmement, j’ai demandé aux constructeurs automobiles d’envisager l’éthylotest embarqué, en série, comme il y a l’allume-cigare. »

La LDC considère comme un hold-up l’obligation des éthylotests et ne manque pas de le faire savoir. Représentée par Christiane Bayard, cette association est à peu près contre toutes les lois de régulation sur la route. Elle n’avait pas manqué de faire son propre lobbying lors des élections législatives en interpellant les candidats.

 Mikaël Cabon

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