Alimentaire. Un article salé pour le lobby du sucre

Dans sa dernière édition, le mensuel américain Nature publie les résultats d’une étude menée par trois scientifiques sur les risques sanitaires d’un régime trop sucré.

Ses auteurs montrent que manger trop sucré est dangereux pour la santé. 35 millions de personnes décéderaient chaque année dans le monde de maladies liées au sucre : diabète, obésité, maladies cardiovasculaires. Le Monde revient dans son éditorial sur cette question : “la consommation de fructose, ainsi dispensée à tout vent, présente autant de dangers que celle d’alcool ou de tabac. En clair, elle est mortifère. Et la lutte contre ce poison ne relève plus des simples campagnes de prévention : elle appelle une politique d’interdiction pure et simple” et le journal de demander aux autorités “d’aller plus loin”. La même demande que l’ANIA, l’association nationale des industries agroalimentaires, aller plus loin, mais pas dans le même sens.


ANIA NIA


A l’occasion des élections présidentielles, le lobby de l’agrolimentaire rappelle dans un texte joint (Ania Lettre aux présidentiables) à un questionnaire ()envoyé aux candidats, le poids du secteur agrolimentaire  “[pour] les questions qui préoccupent nos 10 000 entreprises, leurs 477 000 collaborateurs directs, mais également les 65 millions de consommateurs en France ». Et pour les candidats qui n’auraient pas compris l’appel du pied, le président de l’association précise : “Les réponses seront ensuite transmises aux adhérents de lʼANIA, et utilisées pour engager une réflexion publique. En particulier, une page internet dédiée sera disponible afin de suivre au plus près les déclarations, visites dʼentreprises et réflexions engagées par les candidats sur ces sujets”.


En décembre l’association s’insurgeait contre l’augmentation de la TVA à 7%. “Une salade, avec couvert ou assaisonnement, serait taxée à 7% au motif qu’elle peut être consommée immédiatement, alors qu’une salade, sans couvert, n’entrerait pas dans ce même cas de figure. Une briquette de jus de fruit avec paille serait taxée à 7% alors que sans la paille, elle serait taxée à 5,5% …”. L’ANIA pointait là le caractère ubuesque de cette augmentation, valable pour certaines situations de consommation et pas pour d’autres. Mais regardonds, les exemples pris dans le communiqué de l’ANIA : une salade et un jus de fruit avec paille, pas un hamburger dégoulinant de ketchup et un coca, non une salade et un jus de fruits avec paille.

Idem sur les études menées sur la dangerosité de l’aspartame.


Communication

Avec le sucre on passe de bons moments, sur son canapé à regarder la télévision. Les industriels du sucre financent des campagnes de publicité intéressantes à plus d’un titre. Comme celle-ci, en date des années 90, “J’étais là”, réalisée par Jean-Paul Gouve.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=0M0et_EuMDk[/youtube]


Un peu plus tôt en 1992, avec aux manettes Emir Kusturica.

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Une décennie bien productive. En 1997, Etienne Chatiliez réalisait ce clip avec une question : “Etes-vous prêt à manger n’importe quoi ?”



Ou ici en Belgique.

Ou bien celle-ci, en 1988.


[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=lJ77PF4gUFk&feature=related[/youtube]


Parfois en jouant la carte de l’humour avec cette publicité pour les sucres Daddy.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=htL6CxYo38Y&feature=related[/youtube]

Pour éviter les sujets qui fâchent l’industrie du sucre sait y faire. Elle est la créatrice de la semaine du goût par exemple en France. Dans un article du Point en date de 2004, on pouvait lire ceci : “« Il n’y a pas d’éléments qui permettent de penser que le sucre puisse être mis en cause au regard du surpoids et de l’obésité », explique Claude Risac, directeur général du Centre d’études et de documentation du sucre (Cedus), le bras armé du lobby sucrier. Un discours prégaliléen qui laisse pantois les nutritionnistes”.

Mais pas tous les enseignants dont certains utilisent dans leurs salles de classe, les documents (Je_mange_tu_te_regales) édités par le Cedus pour évoquer les liens entre les caries et le sucre,

 Il n’empêche le sucre reste indispensable à l’existence, en quantités modérées. Il est aussi un marqueur important, au même titre que le sel, de l’histoire humaine. Du point de vue économique, lire sur ce document les statistiques dans le domaine du sucre, ou géopolitique, on pense évidemment aux traites négrières, notre rapport au sucre dit beaucoup de nos sociétés. Au titre du lobbying, on lira avec grand intérêt cette étude de Marie Hrabanski Sucre-92-2-Hrabanski sur “la représentation du sucre à Bruxelles : sociohistoire des pratiques de lobbying auprès des instances européennes depuis le début du XXe siècle”, qui rappelle que “Malgré les évolutions du système d’intermédiation des intérêts de l’Union européenne (1992), les représentants de la filière vont poursuivre leur stratégie d’influence, basée notamment sur les relations privilégiées qu’ils entretiennent avec des représentants de la Commission européenne. Cette dernière période souligne l’importance du carnet d’adresses dans les processus politiques et se caractérise également par un recours accru à l‘expertise par la Commission”.

Mikaël Cabon

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