Les lobbies des cigarettiers font un tabac

Le 31 mai de chaque année, le monde fête la vie sans tabac. Les fumeurs sont invités à cesser de pomper sur leurs tiges pour respirer de l’air pur. C’est l’occasion également de focaliser, c’est le but principal des journées mondiales de ceci ou des semaines de cela, l’attention des médias sur la question de l’addiction tabacologique.

Le journal Le Monde s’est intéressé dans son édition de ce week-end à la “French Connection”. On peut y lire ceci :

“Le 19 juin 1989, Keith Teel, avocat au cabinet Covington & Burling, écrit un mémo confidentiel à plusieurs hauts cadres de Philip Morris. « Depuis un certain temps, écrit-il, nous travaillons à recruter des scientifiques français qui pourraient nous aider sur le problème de l’ETS environmental tobacco smoke, littéralement « fumée ambiante du tabac ». La semaine dernière, en France, chez John Faccini, les membres de notre groupe britannique ont rencontré quatre scientifiques français qui, espérons-le, formeront [en France] le noyau dur d’un groupe de sept à neuf consultants sur la question de la qualité de l’air intérieur et de l’ETS. »

Infiltration

C’est un cas typique d’infiltration du débat public par l’intermédiaire de scientifiques. Ici, la manipulation est intéressante. L’industrie du tabac finance, par des moyens détournés, un collectif de scientifiques à qui on demande de parler de pollution de l’air. En réunissant des experts de tous horizons sur des sujets très divers, cette industrie réussit un tour de force : détourner l’attention du public et des médias, et donc des décideurs, de la question du tabac pour évoquer celle des polluants de l’air. La question du tabagisme passif est effleurée, noyée dans la masse, noyée dans la nasse qui s’étreint sur elle. Si la question n’était pas aussi sérieuse du point de vue de la santé publique, on pourrait qualifier cela de grand art. En Bretagne, on a pu apprendre que le radon était responsable de 9% des cancers du poumon. Quid des 91% ? L’OMS en son temps avait reconnu que certains de ses experts étaient influencés par les subsides de l’industrie du tabac. Parfois sans que les médecins ne le sachent ou ne veuillent le savoir. C’était le cas dans le comité mis en évidence par Le Monde. Georges Tymen, un médecin brestois qui y  participait, explique dans Ouest-France :

« J’étais fier qu’une société internationale me contacte. Il y a vingt ans, personne ne s’intéressait à la pollution de l’air ambiant. C’était novateur. »

Ou encore la polémique autour des conflits d’intérêts sur Tabac Info Service.

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=D45sIOufpQk[/youtube]

Rumeurs et médisances

Mais ce n’est pas tout. L’industrie du tabac agit parfois plus directement. Le but ? Nier, apporter des contre-feux. C’est parfois possible en détournant l’attention comme on vient de le voir, et puis dans d’autres cas, difficile d’échapper à des questions directes sur l’implication du tabac dans un certain type de cancers. La stratégie est alors de nier en bloc, en mettant en évidence d’autres informations ou le poids économique du secteur en inventant des chiffres pour l’occasion. Voici ce que dit l’OMS sur les pertes d’emplois supposés du secteur de la production de tabac (Rappelons que l’Union européenne subventionne chaque année des plantations de tabac dans le sud de l’Europe au titre de l’aide à l’agriculture) : En fait, les déclarations selon lesquelles la lutte antitabac entraînera une perte considérable d’emplois sont généralement fondées sur des études financées par l’industrie du tabac.


Placement de produits

Terminons pour finir par la publicité. Certes celle-ci est limitée par la loi. Mais pas partout. Le cinéma, parce qu’il est considéré comme un art, échappe un peu à ce contrôle. C’est ce que démontre l’étude de la ligue contre le Cancer qui constate que de nombreux films contreviennent à la loi. L’enquête de l’association explique qu’ “environ 80% des 180 films visionnés présentent des situations avec une représentation du tabac. Les mises en scène regroupent tant le tabagisme que les objets tels les briquets, cendriers et paquets de cigarettes. Ces situations sont présentes en moyenne à l’écran 2,4 minutes (147s) sur une durée moyenne par film de 99 minutes (soit 2,5% de la durée du film). [dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/x1pnkk_la-pub-pour-le-tabac-au-cinema_shortfilms[/dailymotion]

Enfin, les premiers alliés de l’industrie du tabac restent les fumeurs eux-mêmes, aidés en cela par les buralistes et certains cafetiers. Récemment, les tentes extérieures chauffées viennent d’être considérées comme étant des terrasses à part entière donc dispensées du respect des règles de la loi sur le tabac dans les établissements reecvant le public. Cette semaine, une association de défense des droits des fumeurs adultes vient de voir le jour. Elle dispose d’un site Internet. Le nom a été déposé par Nathalie Masseron, à la ville, dirigeante d’un cabinet de conseil en communication Share Of Love. Chacun fera son opinion. Mais rien n’interdit de rappeler qu’il n’y a pas de fumée sans… cigarette.


Mikaël Cabon

[dailymotion]http://www.dailymotion.com/video/xgvzus_la-conspiration-du-tabac-1de3_lifestyle[/dailymotion]

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