Législation sur les éthylotests. Tu t’es vu quand il y a de l’abus

Très prochainement, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls devrait confirmer la décision du gouvernement à propos de la législation concernant l’obligation de disposer d’un éthylotest à bord de son véhicule.

On se souvient que la mesure l’an passé avait entraîné des cris d’orfraie chez les automobilistes qui n’aiment pas beaucoup que l’on touche aux lois concernant l’automobile.

 

L’instauration du principe de l’obligation de présence d’éthylotests certifiés à bord des véhicules devait beaucoup au doux murmure à l’oreille du gouvernement de l’association I-Tests. Cette association compte parmi ses membres la quasi-totalité des représentants d’entreprises de la filière de fabrication d’éthylotests qui sont également membres du comité de certification NF des éthylotests.

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Gros hic pour les éthylotests

Quelques jours avant la confirmation de la décision du ministère de l’Intérieur sur cette question, le collectif des fabricants d’éthylotests, montrait dans un communiqué de presse tous les risque que la suspension de la législation faisait peser sur l’emploi. Au total, “1.500 emplois seraient menacés”. 750 de manière directe, dans les entreprises fabricantes donc, 750, en emplois indirects, on imagine qu’il s’agit là des répercussions dans le tissu de sous-traitants industriels.

L’affaire a fait grand bruit dans la presse qui a repris le communiqué des fabricants. Avec une  belle unanimité dans les titres.

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Par la médiatisation des conséquences sur l’emploi, le collectif des fabricants d’éthylotests met là en place une stratégie bien connue dans le monde du lobbying : le chantage à l’emploi.

Ainsi dans le quotidien Les Echos du 5 février 2013 : “Notre région est touchée par le chômage[14 %, NDLR], notre produit est 100 % made in France, il correspond à un marché, il va dans le sens de la sécurité routière et il y a la volonté des gens de se tester. Qu’un ministre mette tout en l’air par une déclaration, c’est totalement incohérent », a déclaré hier Dominique Benezeth, délégué du personnel de l’entreprise”. On n’en attend pas moins d’un délégue du personnel. Ce qui est étonnant c’est que ce même Dominique Benezeth est également membre de l’association I-Tests. Il est présenté ainsi dans les statuts de l’association : “ Responsable formation Forces de l’Ordre – Chargé de Mission Régional et Intervenant Départemental de Sécurité Routière – Officier de Réserve de la Gendarmerie (Forces spéciales)”. L’adresse présentée est celle de la société Contralco.

Valls Hésitation

Si l’on peut comprendre les atermoiements des industriels face à un Etat qui en un laps de temps d’un an pourrait dire le contraire de ce qu’il avait affirmé, et par là tuer une poule aux oeufs d’or, on peut s’indigner néanmoins du procédé.

 

Si le marché des éthylotests a connu un boom l’an dernier, cela ne tient qu’aux opérations de lobbying rondement menées par I-Test (relire cet article de Lobbycratie sur la question). Si la décision publique est influençable dans le sens de ses intérêts, il est impératif de comprendre que le contraire est également possible.

 

De plus, les chiffres avancés par les fabricants sont troublants. Leur communiqué parle de 1.500 emplois au total dont 750 directs.

Or il apparaît une globalisation inexacte qui cherche à massifier un chiffre pour  en optimiser l’impact. A l’heure où notre pays enregistre une forte poussée du chômage, l’argument de l’emploi est souvent précieux. Il ne saurait justifier cependant une présentation erronée des faits.

Ainsi, l’entreprise Contralco, leader du marché, et qui fournit pour environ ⅓ de son activité les forces de police, réalisait 5,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008, chiffre passé à 7 millions d’euros en 2011, avant la législation de 2012, et à 14 millions d’euros en 2013. Une croissance qui a permis à l’entreprise d’afficher d’excellents résultats financiers. La preuve ? Elle ne publie pas ses comptes. Signe soit d’une mauvaise santé financière, on ne saurait le croire, soit d’une excellente santé financière, ce qui semble plus probable.

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En 2012, pour faire face à l’afflux de commandes, on parle même à l’aube de l’été 2012 de pénurie sur le marché ce qui a pour effet d’accélérer les achats chez les consommateurs indécis, l’entreprise embauche 200 personnes. Ses effectifs montent alors à 310 personnes (source La Tribune). Ils étaient de 110 personnes fin 2011 selon une dépêche de l’AFP.

Tous ces chiffres pour dire quoi ? Qu’il apparaît comme fort peu probable que le changement législatif en précision entraîne la disparition de 750 emplois directs. La société Contralco est co-leader du marché de l’éthylotest jetable avec une entreprise sud-africaine, Redlines, importée en France par l’entreprise Pelimex. Au pire, il y a 400 emplois directs menacés par la mesure. Car il ne faut pas oublier qu’une partie des activités de ces entreprises est réalisée à l’export ou bien à destination du marché des forces de l’ordre, marché qui n’est pas impacté par les évolutions récentes de législation.

 

Cette mauvaise foi sur la question de l’emploi peut agacer. Reste que l’affaire pose question. En terme de lobbying, on l’a dit. Mais également dans la manière dont les gouvernements qui se succèdent assurent la continuité législative de l’Etat. Il n’est pas bon, pour le climat des affaires, que les encadrements législatifs d’un secteur d’activité soient soumis à des variations erratiques, subites et subies.

Mikaël Cabon

 

P.S. J’ai effectué une demande auprès de la société Contralco précisant que je m’interrogeais sur la nature des chiffres avancés. Demande à laquelle je n’ai, pour l’heure, pas eu de réponse.

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