Retraites, un marché d’avenir pour le lobby des assureurs

Le débat sur les retraites bat son plein en France. Ce mardi, d’importantes manifestations ont eu lieu dans notre pays à l’appel des syndicats pour critiquer le projet d’allongement de la durée de travail nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Faute de pouvoir compter sur un système de retraite par répartition satisfaisant selon leurs critères, nombre de français choisissent de souscrire à des assurances de retraite complémentaire. Pour le plus grand intérêt des assureurs. Peut-être pas celui de l’intérêt collectif, si cela signifie encore quelque chose. Ce texte est parsemé de spots publicitaires de compagnies d’assurances ou de banques sur leurs produits-retraites.

Ainsi, selon la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), les encours d’épargne retraite se montaient à 134 milliards d’euros en 2008, dont un tiers venant de particuliers et 2/3 d’entreprises, dans le cadre de contrats individuels ou collectifs obligatoires ou facultatifs.

Ce système de retraite par capitalisation constitue la part majeure des retraites touchées par les retraités dans de nombre de pays, tels les Etats-Unis d’Amérique ou la Grande-Bretagne. On se souvient d’ailleurs que les pressions faites par l’administration Obama sur BP afin que cette société ouvre un fonds de 20 milliards de dollars pour financer les dommages et intérêts liés à la catastrophe de sa plateforme pétrolière dans le golfe du Mexique, avait donné à des échanges diplomatiques vifs entre les deux pays. Car pour beaucoup de retraités britanniques, cela faisait peser une menace sur le niveau de leurs retraites, dont une partie sont liées au rendement des fonds placés en actions, dont celles de BP.

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En France, l’Etat a encouragé ce système par le biais d’avantages fiscaux, qui constituent autant de niches fiscales. La clientèle visée est d’abord celle pour qui le système de retraite par capitalisation, les indépendants par exemple, ouvre peu de droits à la retraite, puis les classes les plus aisées de la population et/ou les salariés qui appartiennent à des entreprises, de taille plutôt importantes, ayant signé des accords de PERP ou de PERCO, qui sont des plans d’épargne entreprise dans lesquels les salariés placent une partie de leur argent et qui sont abondés par les entreprises.

Pour les représentants des assureurs, cette situation est évidemment d’un point de vue commercial une aubaine. « Les dernières simulations du Conseil d’orientation des retraites font état, malgré des hypothèses volontaristes de retour au plein emploi et de hausse de la croissance (+ 1,5 % par an), d’un déficit des régimes de retraite de l’ordre de 70 milliards d’euros par an en 2030 et de 100 milliards par an en 2050. La dette cumulée représentera alors un montant de l’ordre de 100 % du PIB. Pour éviter de faire peser cette charge sur les générations à venir, il convient d’encourager l’épargne retraite individuelle ou dans le cadre de l’entreprise, qui alimente également la croissance économique par une augmentation de l’investissement financier de long terme », indiquent-ils sur leur site internet pour vanter les mérites du dispositif.

Pour la FFSA, le vieillissement de la population ouvre la voie « à une nouvelle donne ».

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Dans le même temps, les assurances complémentaires santé, appelées aussi mutuelles, et les assurances dépendantes, ont également le vent en poupe. On le voit, cela représente des montants financiers extrêmement importants. Dopé par des avantages fiscaux constants mais également parce que ce placement est entré dans les moeurs de l’épargnant moyen, les contrats d’assurance-vie, dont beaucoup financent également, de fait, des compléments retraite.

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A la recherche de recettes fiscales supplémentaires, le gouvernement s’apprête à taxer de manière supplémentaire les assurances. Ce qui fait dire, dans une interview au Figaro, à Bernard Spitz, le président de la Fédération française de sociétés d’assurance, que « e «raboteur» a eu la main lourde. Ces mesures sont excessivement sévères : d’après nos calculs, elles pourraient représenter non pas 3 milliards d’euros mais jusqu’à 4,7 milliards. Sur les 10 milliards d’effort sur les niches recherchés au total, c’est beaucoup demander aux assureurs et aux assurés ». Le président de la FFSA rappelle d’ailleurs, à qui veut bien l’entendre que cela peut avoir un impact sur l’emploi, la dette souveraine, puisqu’une part de cette épargne est placée en obligations d’Etat, sur le financement des entreprises. Il indique également qu'[il attend] « d’abord de connaître l’exacte teneur des textes. Puis nous ferons des propositions au gouvernement comme à la représentation nationale, dans un but constructif ».

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Ces propositions constructives, la FFSA les réalise auprès des parlementaires via le groupe d’études parlementaire sur l’assurance et la prévention. Fondé et présidé par Michel Hunault, ce groupe appartient à la myriade de groupes parlementaires qu’hébergent l’Assemblée nationale et constituée autour de thématiques. A l’occasion de ces rencontres, les députés et sénateurs rencontrent les professionnels de la profession pour écouter, échanger, discuter de leur désidératas et prendre le pouls de la société civile. En soi, l’initiative est louable. Cependant elle pose problème. Ainsi, ces groupes ne sont pas tenus de rendre compte de l’intensité de leur activité, de sa nature et des personnes rencontrées dans ce cadre. C’est gênant, surtout quand il s’agit de gros sous.

Si Michel Hunault a beaucoup parlé, et souvent à juste titre, sur la nécessité d’humaniser les prisons françaises, il est moins disert sur les dossiers de l’assurance que la présidence du groupe d’études devrait pourtant l’amener à connaître en profondeur. Alors même que lors d’un colloque sur la corruption organisé par Transparency International France en 2008 il appelait de ses voeux à la nécessité de « l’exigence de l’éthique dans la vie économique, publique et financière ».

Cette exigence de l’éthique ne peut rester un vain mot. Elle suppose de la transparence dans l’accès aux informations. Cette accessibilité est rendue d’autant plus nécessaire que le sujet est complexe comme c’est le cas quand on touche à la fiscalité des assurances, et impliquant comme c’est le cas sur le sujet des retraites. Cette information mériterait d’être à la portée de tous les citoyens.

Et aux USA ?

Si en France, l’influence des compagnies d’assurances existent, elle n’est rien en comparaison de ce qui se passe dans d’autres pays, et en particulier aux USA.

A l’occasion de la réforme du système d’assurance-santé américain, Barack Obama s’est heurté à un véritable tir de barrage du lobby des assureurs. Ceux-ci, en plus des campagnes auprès des congressistes américains, ce dont ils ont l’habitude, n’ont eu de cesse d’essayer de décrédibiliser le projet joignant leurs voix à celles des plus conservateurs des américains. Comment ? En publiant des rapports par exemple. Comme l’indique le site Santelog.com : « Depuis plusieurs semaines, le lobby américain des compagnies d’assurance publie donc des rapports alarmistes sur l’augmentation draconienne des soins de santé primaires qui pourrait résulter de la réforme de santé, avec un seul objectif, pouvoir rester sur un statu quo ». Ou bien en finançant des campagnes publicitaires télévisées. Regardons.

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Les sommes consacrées au lobbying par le secteur de l’assurance montrent l’étendue des enjeux. Dixit le site d’informations Bakchich en 2009, « selon les chiffres officiels (aux Etats-Unis, la loi fédérale exige que les revenus des lobbyistes soient publics), l’industrie de la santé a, à elle seule, dépensé 396 millions de dollars pour son lobbying. Et depuis le début de l’année 2010, 85 millions de dollars ont été dépensés par cette industrie selon le site OpenSecrets.

Dans le même temps, le lobby des retraités, l’AARP, dépensait des millions de dollars en spots télévisés pour vanter les mérites de la réforme d’Obama.

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