Quelque chose ne tourne plus rond dans le monde de la République. Basée sur un concept politique mettant au coeur de son fonctionnement le citoyen, la République n’a de cesse d’essayer de l’en détourner et de lui reprendre ses droits les plus élémentaires.
De guerre lasse, notre démocratie s’est transformée en lobbycratie. Le pouvoir n’est plus au peuple, même ce dernier mot fait bizarre à écrire, mais à une multitude de cabinets qui défendent sans vergogne et avec souvent beaucoup de talent les intérêts dont ils sont chargés.
C’est l’intention qui compte
Nul n’échappe à cette tendance. Quand Greenpeace agit, au-delà de l’opinion publique, sur les députés européens afin de s’assurer de leur soutien sur le vote d’une loi pro-environnement, est-on dans l’explication ou déjà dans le lobbying. Est-ce différent, plus noble, que les industries du tabac qui défendent bec et ongle le droit à fumer, et par là les milliers d’emplois que représentent leur industrie et ses distributeurs dans les pays occidentaux. Quand seule l’intention permet de faire la différence entre le bien et le mal, ce qui est souvent le cas, la confusion guette.
Tout porte à croire que la lobbycratie serait devenue consubstantielle à l’idée même de démocratie. Devant la complexification croissante des affaires du pouvoir, les représentants populaires, sauf à se spécialiser sur des domaines très pointus en délaissant le reste de leur champ de compétences, ne peuvent suivre le rythme. En leur demandant d’avoir un avis sur tout, les voilà piégés. Un député ou un sénateur reçoit chaque jour plusieurs dizaines de dossiers de lobbying dans sa boîte aux lettres, physique ou électronique.
La fin l’équité ? Entre argent et émotion
Une société qui fonctionne a pour base celle de la justice. Cette dernière met en avant le principe d’équité. Ce n’est pas facile à trouver, c’est difficile à maintenir, mais avec de la bonne volonté et des moyens, on y arrive. Or dans les campagnes de lobbying, deux éléments viennent perturber cette équité : l’argent et l’émotion. Combinés ces facteurs assurent aux lobbyeurs un succès immédiat dans leurs quêtes d’influence.
L’argent, non pas pour corrompre quoique, mais pour se payer les meilleurs spécialistes, les plus grandes campagnes publicitaires associées aux stratégies en sous-marins, disposer des brochures les plus colorées, des restaurants les plus fins pour pouvoir expliquer tout l’intérêt de son action.
L’émotion, pour attirer le regard, pour emprisonner celui à qui l’on parle. « Il serait inhumain de ne rien faire ». Qui peut rester insensible à un enfant en train de mourir de faim devant les caméras ? Cette double dictature monétaire et émotionnelle perturbe la recherche de l’équité car elle fait remonter en haut de la liste des dossiers dont l’intérêt général n’est pas forcément établi. Décider c’est choisir, mais quand le choix est dicté par l’argent et l’émotion, est-ce encore une décision ?
Accès et transparence
Il semble que la lobbycratie soit un système dont les Etats-Unis d’Amérique s’accommodent fort bien. La capitale américaine regorge de 35.000 cabinets de lobbying, dont la série The West Wing montre les facettes. Dans les tiroirs de leur constitution, le rôle de ses défenseurs d’intérêts est même reconnu. Cela a l’avantage de la sincérité. Pas d’hypocrise, tout le monde sait comment le système fonctionne et comment en tirer profit à son avantage ou à ceux des intérêts défendus.
Pour autant doit-on s’en satisfaire ? Un contrôle des pratiques de lobbying n’est-il pas nécessaire pour que la frontière de la corruption de ne soit pas franchie ?
S’il semble quasi impossible de revenir en arrière, et si la consultation des groupes d’intérêts multiples est aussi un bon signe dans une démocratie, celui de prendre l’avis des représentations de certains corporations ou groupe d’individus, c’est à mon sens les buts poursuivis, les moyens utilisés qu’il convient de réguler. Les campagnes de lobbying se font dans une telle absence de transparence qu’elles prêtent à tous les mystères et par conséquent à toutes les supputations. Contre-pouvoir parmi d’autres, les lobbys participent à la vie politique. Il est nécessaire que leurs animateurs soient animés par un respect du bien commun allant au-delà d’un intérêt personnel de circonstance. La crainte ultime serait que plusieurs contre-pouvoirs soient dans les mains d’un seul et même groupe. Les superpouvoirs de ce groupe, disons être propriétaire de médias, acteur industriel de l’armement et élu politique, seraient alors disproportionnés par rapport aux autres. En quelque sorte, puisque le lobbying existe, personne ne doit en avoir le monopole.
En savoir plus sur Internet :
– Sur le site de la Documentation française.
– Sur le site Euros du Village.
– Le site du cabinet de Lobbying “Communication et Institutions”.
– Le site de Lobbying Europe.
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