Quotas de pêche. La France hausse le thon et monte au filet

Le thon rouge est menacé de disparition en Méditerranée. 60.000 tonnes sont pêchées chaque année, par 1.000 navires,  équipés des plus hautes technologies dont des systèmes satellitaires pour repérer les bancs de poisson. Ce poisson savoureux vaut son pesant d’or, notamment au Japon, lire ici une enquête que j’avais publiée en 2006 sur cette question. « Il y a un mois, il s’en est fallu d’une arête que le thon rouge ne bloque le port de Marseille. Thoniers de Méditerranée et le Rainbow Warrior II se retrouvaient face à face à l’entrée du port français. Invectives, menaces, tensions, les deux parties s’accusaient réciproquement des causes du désordre. Avec ce mode opératoire, Greenpeace cherche à alerter l’opinion publique mondiale sur les menaces pesant sur les océans en prenant appui sur le poisson le plus emblématique de la méditerranée : le thon rouge. Pêchée depuis plusieurs millénaires, cette espèce connaît une surexploitation de ses stocks en Atlantique et en Méditerranée. Malgré les quotas ». Malgré les quotas de 15.000 tonnes par an car ceux-ci ne sont pas respectés, dépassés de trois fois par les marins-pêcheurs de la Méditerranée, en dépit des avertissements des scientifiques.

Soutien de la France à un moratoire

Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a indiqué, rappelle Courrier International cette semaine en reprenant un article du Sunday Times, que la France soutiendrait l’interdiction de la pêche du thon rouge pour permettre la reconstitution des stocks. Dans son discours du 16 juillet dernier, au Havre, le président de la République indiquait : « Enfin, il est vrai que les menaces concernant l’existence de certaines espèces comme le thon rouge ne peuvent plus être ignorées ». Le même Nicolas Sarkoy qui, avant de prendre la présidence de l’Union européenne, répondait à une question d’Audrey Pulvar sur la politique des quotas dont il souhaitait la remise à plat, après l’avoir chambré sur sa connaissance de la pêche au thon rouge :

« Ce que je veux, c’est qu’on se pose la question de la ressource, pas des quotas. Si on me démontre que la ressource est en voie de disparition, il faut des quotas. Je ne conteste pas les quotas ; je conteste  l’analyse scientifique qui doit rencontrer  l’avis des spécialistes. Quand on est en mer toute l’année, on doit quand même avoir une idée de la ressource qui vous fait vivre. Alors deuxième problème que  l’on a, qui est effrayant et c’est  pour  cela  que  j’ai  été  voir  les pêcheurs et qu’avec Michel BARNIER  qui  par parenthèses  a  fait  un  travail  remarquable,  on a fait ce  plan  pêche de 310 millions d’euros, c’est parce qu’avec  le doublement du prix du  fioul pour faire fonctionner les bateaux, vous avez des pêcheurs qui passaient trois semaines… des marins qui passaient trois semaines  en mer  et qui partaient  avec un petit paquet de poissons ! Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! Ils ne peuvent pas s’en sortir. Alors qu’est-ce qu’on fait pour eux ? On a donné des aides : la suppression de la taxe professionnelle ; on a  donné des aides à  la modernisation de notre flotte pour que ça consomme moins d’essence et puis  on  leur  donne  des  aides  pourquoi ?  Parce  que  eux,  à  la  différence  des  routiers, j’imagine qu’on en parlera, ne peuvent pas mettre dans  le prix  l’évolution du  coût du gasoil parce qu’ils sont soumis à une concurrence et que c’est   le consommateur qui se trouve derrière ».

C’est un peu long, assez en tout cas pour ne pas répondre à la question. A la fin de la présidence française, rien n’aura finalement bougé.

D’ici la fin du mois d’août, la France devrait préciser les modalités du plan de sortie de la flotte pour les thoniers qui ne pourraient plus alors pêcher le thon rouge. Chacun de ces navires vaut plusieurs millions d’euros, compte-tenu de son équipement.

« Le thon rouge de ta mère ! »

L’affaire du thon rouge de Méditerranée a fait l’objet d’intenses batailles, presque physiques, notamment quand le navire de Greenpeace, le Rainbow Warrior II, en 2006, a tenté de pénétrer dans le port de Marseille pour alerter l’opinion publique des dangers qui pèsent sur le thon rouge. Ce qui n’avait pas été du goût des pêcheurs comme le montre les extraits ci-dessous, présentés par Europe Ecologie, donc un peu parcellaires mais respectant la tonalité, pouf, pouf, du documentaire initial présenté dans la toujours savoureuse émission Strip Tease diffusée sur France 3.

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Vers un remboursement des subventions attribuées aux pêcheurs ?

Les thoniers-senneurs attendent donc les prochaines décisions de l’ICCAT sur la question des quotas pour voir à quelle sauce ils vont être mangés. A la bouillabaisse peut-être, même s’ils ont su, au fil des années, défendre leurs intérêts avec l’esprit farouche qu’on leur connaît, invectivant, menaçant parfois. A la tête de leur combat, un homme : Mourad Kahoul. Adepte des « paroles verbales », Mourad Kahoul a le parlé direct. Ex-Conseiller municipal UMP de Marseille, il préside également le syndicat des thoniers et le comité régional des pêches maritimes et élevages marins Paca, il est de plus premier Prud’homme de Marseille, chargé de la conciliation entre pêcheurs. Personnage haut en couleurs, l’homme accepte désormais de participer aux campagnes de comptage des thons. Courant septembre, la flottille française va ainsi participer à cette opération. A l’instar de Monaco, la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne appuient la proposition de placer le thon rouge de l’Atlantique à l’Annexe I de la Convention sur le CITES, ce qui interdirait de fait son exploitation commerciale à l’international.

Au-delà de la question du thon rouge, dont la mise en pratique des discours politiques reste à mesurer, la France devrait être confrontée à un autre problème lié à la pêche dans les prochains mois : le remboursement par la filière des aides nationales, dont le fonds gazole, le FRAP, accordées aux marins-pêcheurs entre 2004 et 2006. Le montant est de l’ordre de 65 millions d’euros. A la manière de leurs collègues agriculteurs, pas sûr que les pêcheurs acceptent de bon gré de rembourser les sommes. Et on connaît leur détermination.

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Photo de couverture : Greenpeace. Rassemblement près du Ministère de la pêche en 2008.

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