Lobbying en Europe. Qui dépense combien à Bruxelles ?

En matière de lobbying, l’Union européenne fait l’objet de toutes les attentions. Parce que le droit communautaire prime sur le droit national dans la quasi-totalité des cas, parce que les pouvoirs sont concentrés dans un nombre de lieux réduits. Bref, pour faire du lobbying, c’est à Bruxelles qu’il faut être et les représentants des groupes d’intérêts l’ont bien compris.

« La représentation d’intérêts fait légitimement partie d’un système démocratique. Dans le cadre des efforts qu’elle déploie pour renforcer la confiance du public, la Commission européenne a établi un registre facultatif et adopté le présent code de conduite afin d’assurer une transparence accrue de la représentation d’intérêts, des intervenants dans ce domaine et de leurs activités », écrit la Commission européenne sur le site qu’elle consacre au registre des représentants d’intérêts ouvert depuis juin 2008. La première phrase nous indique que le lobbying est une pratique acceptée. La deuxième phrase nous indique que ce registre est facultatif, c’est-à-dire non obligatoire.

Liste noire

L’organisation non-gouvernementale Alter-Eu qui prône la transparence des pratiques de lobbying vient de publier une étude qui montre que 60% des cabinets de lobbying ne se sont pas enregistrés sur ce registre et appelle les députés européens à cesser de rencontrer des représentants des groupes d’intérêts. L’organisation publie une liste « noire » de ces cabinets de lobbying. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent nos euro-députés.

La démarche initiée au niveau européen est tout de même intéressante. Elle a fait l’objet de débats, de résolutions, des mesures concrètes ont été prises dont une base de données déclarative de la part des lobbies. Cela suppose la signature d’un code de bonne conduite, et peut entraîner des sanctions après enquête. Les plaintes peuvent même se déposer en ligne.

Même si d’aucuns considèrent que certains secteurs, telle l’industrie pharmaceutique, peinent à informer le public sur leur action en se référençant dans le registre. A noter que ce dernier, ne fait l’objet que de déclarations en anglais, sans traduction possible sur le site, ce qui semble contraire aux principes de la communauté de faciliter l’accès à tous en s’affranchissant de la barrière de la langue par la traduction.

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Belgique, Allemagne, France, le trio de tête

La Belgique est le premier pays de provenance des lobbyistes. Est belge, un lobby dont le siège est en Belgique. C’est somme toute logique, et correspond à l’idée d’être plus proche du paradis pour préférer parler à Dieu qu’à ses saints. Viennent ensuite l’Allemagne et la France. Le classement suit le poids économique des pays au sein de la zone Europe. On trouve également des représentants de lobbies étrangers. Les Etats-Unis comptent ainsi 50 lobbies enregistrés dans le registre. Du point de vue de la répartition des lobbyistes par origine. On peut constater que l’on compte près de deux fois plus de représentants d’ONG que de représentants d’entreprises (598 contre 330 selon les chiffres communiqués par la Commission en février 2010) mais moins que d’associations professionnelles (776).

Répartition par pays

Les entreprises du CAC40 dépensent 7,56 millions d’euros minimum en lobbying à Bruxelles

En étudiant cette base de données, je me suis particulièrement intéressé aux entreprises du CAC40 afin de mesurer les montants qu’elles consacrent au lobbying européen. Vous trouverez les résultats sur le document consultable ici via GoogleDocs. Au total, et sur la base des déclarations de ces entreprises, le montant total s’établit dans une fourchette comprise entre 7,56 et 8,66 millions d’euros par an au total pour les 23 entreprises du CAC 40, sur les 40 qui composent cet indice boursier, présentes dans le registre.

Les chiffres donnés dans le document sont issus de cette base de données en ligne, le lien que l’on trouve dans la colonne de droit ouvre sur la fiche de l’entreprise en question et quand l’entreprise dispose de plusieurs de ses filiales qui réalisent des opérations de lobbying, j’ai agrégé les données financières en reprenant les dernières données disponibles. 17 entreprises du CAC 40 manquent à l’appel. Soit parce que je ne les ai pas trouvées, soit parce qu’elles ne font pas d’opérations de lobbying, soit parce qu’elles n’ont pas déclaré leurs actions, soit parce qu’elles externalisent cette activité en la confiant à une organisation interprofessionnelle par exemple. Cela fait beaucoup de possibilités. Logique, puisque le registre n’est pas obligatoire. On en retrouve trois de plus sur la liste des lobbyistes accrédités auprès du parlement européen dont le fichier propre pourrait bientôt être relié à celui de la Commission.

Certes, la navigation sur le site n’est pas des plus aisées, on ne peut pas consulter ni l’historique des pratiques de lobbying ni les rendez-vous pris avec les élus européens, et les contours des libellés est parfois difficile à cerner, les données incomplètes mais le registre a déjà le mérite d’exister. Pour bâtir une maison, il faut bien une première pierre.

6 thoughts on “Lobbying en Europe. Qui dépense combien à Bruxelles ?

  1. Pingback: pligg.com
  2. 9 avril 2010 at 14 h 12 min

    Merci pour cette analyse. Idéalement, il faudrait avoir un système sur le budget des acteurs économiques dédié au lobbying tel qu’aux Etats-Unis (cf. Lobbying database : http://www.opensecrets.org/lobby/index.php).

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