Agriculture et lobbying. OGM moi non plus

Où l’on reparle des OGM. Par l’intermédiaire du Commissaire européen à la santé, Joseph Dalli, la Commission européenne souhaite redonner voix au chapitre aux Etats-membres dans la législation autour des OGM. Cette liberté nouvelle, à l’heure actuelle c’est au niveau européen que les lois générales s’appliquent, s’accompagnerait d’une demande aux Etats, nous dit Libération, « de ne plus bloquer les autorisations de mise en culture des plantes génétiquement modifiées ». Cette possibilité n’a pas l’heur de plaire à plusieurs eurodéputés français et même le prince Charles. Corinne Lepage, dans Libération, José Bové dans un chat avec les internautes dans le Monde,  ou encore Jean-Luc Benhamias. Ce dernier, sur le site du mensuel Terra Eco dénonce une commission « sous l’emprise des lobbies agro-industriels ».

Dans cette catégorie, on connaît bien l’un des participants : Monsanto, prix de la sirène lors du sommet de Copenhague. La firme américaine est régulièrement accusée au regard d’une stratégie qui viserait à mettre sous dépendance les agriculteurs utilisant ses produits et dans l’obligation de racheter systématiquement ensuite leurs semences comme cela a été montré aux USA, en Inde mais également, plus récemment, à Haïti, où profitant de la désolation consécutive au tremblement de terre, Monsanto a généreusement donné des semences OGM aux agriculteurs de l’île. Ce qui a provoqué l’ire de nombre de leurs représentants. Néanmoins, il semble difficile pour les paysans haïtiens, faute d’aide de substitution, de ne pas accepter le cadeau empoisonné de Monsanto. En Europe, ce sont des variétés de maïs OGM qui sont commercialisés par la firme. On trouvera par ce lien une vidéo du documentaire Le monde selon Monsanto. Pour les amateurs de BD, le livre « La Guerre de OGM » de Le Galli et Mike, dont la couverture sert à illustrer cet article en page d’accueil, même s’il est plutôt partisan de l’interdiction des OGM, relate très bien le sujet.

retrouver ce média sur www.ina.fr

Le second représentant « du lobby agricole pro-OGM américain et sud-américain », dénoncé par Jean-Luc Benhamias est BASF. Le chimiste a obtenu de haute lutte l’autorisation de mise en culture de sa pomme de terre génétiquement modifiée Amflora. Cette pomme de terre permet de recueillir un amidon particulièrement intéressant pour « l’industrie du papier, du textile et des adhésifs » nous dit Wikipédia.

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Les techniques utilisées par les géants des OGM pour que leurs désirs deviennent lois, directives ou recommandations s’apparentent en bien des points à toutes celles utilisées par les lobbies en général, que l’on peut retrouver en lisant cet article sur « Le kamasutra du lobbying, les nouvelles techniques d’influence moderne ».

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« Oh, petite Suzy »

Ainsi, le recrutement d’anciens fonctionnaires de la Commission européenne permet aux entreprises de disposer d’une main d’œuvre qualifiée et disposant d’un entregent certain. C’est ce qui a poussé Syngenta à recruter Suzy Renckens, une ancienne responsable de l’AESA, l’agence européenne de santé alimentaire, préalablement en charge de la question des OGM au sein de cet organisme européen. C’est ce que rappelait cet article de Mediapart, qualifiant ce recrutement d’opérations de portes-tournantes. On sort d’un côté, et on rentre par un autre. Si possible sans se cogner aux vitres.

Ce n’est pas la seule. Pierre Pagesse, le président de Limagrain a ainsi participé à la création de Momagri, Mouvement pour une organisation mondiale de l’agriculture. La liste des parrains, où l’on retrouve essentiellement des français, une poignée de parlementaires, un ancien président de la République (VGE), des médecins, Luc Montagnier et Marc Gentili… D’obédience plutôt libérale, ce qui n’est pas une injure, tout en appelant de ses vœux à une régulation de l’agriculture, si possible subventionnée, Momagri promeut également les OGM mais sans le dire très fort. On peut le retrouver sous la plume de Denis Tillinac, membre de Momagri, qui, avec la verve qu’on lui connaît, fustige « les ayatollahs “rouge-vert” anti-OGM » qu’il accuse de faire le jeu « de l’impérialisme yankee ».

A noter que Momagri a reçu un prix de l’Institut Choiseul, un think tank français, pour l’ensemble de son œuvre.

Ces multiples contacts permettent d’étendre un carnet d’adresses. Ce qui n’est pas sans intérêt. Le 1er mars 2010, le fonds stratégique d’investissement apportait 150 millions d’euros à Limagrain pour financer son développement, y compris dans les OGM. Dans une indifférence quasi-générale.

Des OGM aux pesticides, des champs à l’Assemblée nationale

Derrière les OGM, se dresse un autre sujet, celui des pesticides. Car les grands semenciers pré-cités, Bayer, Basf, Pioneer groupe Dupont) et Syngenta sont également de gros producteurs de pesticides. Un marché considérable à travers le monde. Pas étonnant alors que l’on retrouve certains d’entre eux parmi les lobbyistes enregistrés auprès de l’Assemblée nationale. On y voit par exemple, François Thiboust pour Bayer Crop Science et Yann Fichet pour Monsanto. Il est également le représentant pour la plateforme interprofessionnelle des biotechnologies (SEPROMA, OLEOSEM, GNIS, UIPP), qui édite le site ogm.org, et l’UIPP (union des industries de la protection des plantes). Ainsi le GNIS qui regroupe 77 semenciers français est représenté par Monsanto à l’Assemblée nationale. Le cas du GNIS est intéressant. Car celui-ci intervient main dans la main avec le ministère de l’agriculture et l’INRA dans le cadre du CTPS, Comité technique permanent de la sélection. Celui-ci «recueille les informations et propose les orientations qui sont l’objet d’une politique à l’initiative du ministère. Il élabore les règlements techniques d’inscription des variétés au catalogue officiel et propose au ministre de l’Agriculture l’inscription des variétés. Il participe à l’élaboration des règlements techniques de la production des semences en donnant un avis sur les projets de règlements techniques ».  On retrouve ce lien au sein du GEVES, du SNES, et du SOC.
Le GNIS, qui est donc un organisme sous tutelle du ministère de l’agriculture, est donc officiellement représentée par Monsanto à l’Assemblée nationale ! On appelle cela dans le bâtiment de la belle ouvrage.

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NB. Cet article ne prend fait et cause ni pour l’un ni pour l’autre des deux camps. Pour s’informer sur la question de l’intérêt scientifique et biologique des OGM, on peut se référer aux documents suivants :
–          Contre. Greenpeace http://blog-s.greenpeace.fr/documents/ogm/le-prix-a-payer.pdf ou encore sur les dangers sur la santé
–          Pour.
Professionnels des semences

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