Corn Lobby. L’industrie américaine du maïs à la conquête du monde

Si vous avez lu « Porn » dans le titre, je vous invite à changer de site, la suite risque de vous décevoir. Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’influence de l’industrie du corn, du maïs, c’est par ici.

Fabuleuse histoire que celle du maïs. La plante est d’abord domestiquée par les Amérindiens. Devant ses forts rendements, la plante conquiert la planète dans la foulée des voyages de Christophe Colomb. Le maïs est aujourd’hui la plante la plus cultivée dans le monde. Au classement des pays producteurs, les Etats-Unis arrivent largement en tête, la France est septième (avec un niveau de rendements comparables à ceux des terres américaines).

Dans un premier temps utilisé pour l’alimentation humaine, le maïs connaît le succès dans l’alimentation animale, puis dans une succession de produits qui donnent le tournis. On en trouve aujourd’hui dans les colas, des médicaments, les céréales, certaines colles, le papier… Une vraie success-story planétaire.

Cette conquête tient beaucoup au savoir-faire en matière de lobbying des producteurs de maïs américains. Producteurs, semenceurs, raffineurs, transformateurs…

Asseoir la domination de cette céréale, a nécessité beaucoup d’investissements en matière de lobbying, notamment à Washington pour « Dire l’histoire positive du maïs », comme l’indique en titre de l’un de ses documents d’information l’industrie du maïs. Pour ce marché de près de 16 milliards de dollars, l’enjeu est d’importance. D’autant que cette agriculture est puissamment exportatrice grâce à d’importants avantages fiscaux consentis par l’Etat fédéral. Les aides diverses aux producteurs de maïs sont estimées à neuf milliards de dollars par an (Estimation donnée par le gouvernement canadien lors d’un différend avec les USA tranché par l’OMC). Ce qui permet au maïs américain de régner sur le monde. Du coup, 20% du territoire américain est recouvert de maïs pour lequel il faut trouver de nouveaux débouchés.

Une communication corn… aquée

A la page 9 de document sur « dire l’histoire positive du maïs », on peut lire les propos de Darrin Ihnen de la National Corn Growers Association sous le titre « Educating Washington About Corn Farming ». Et Darrin Ihnen de mentionner quelques techniques d’éducation. « The message discovery process began with conducting formal focus groups (four in 2009 and three in 2010) with our target audience in Washington. We learned that few of those polled believed family farmers even exist anymore. When the later focus groups were told 90 percent of corn still came from family farms, they showed strong support for maintaining these generations of accumulated knowledge. As they screened the facts, a notable “American Pride” emerged ». Ce qui fait immédiatement penser à ce titre de Bruce Springsteen : « Born in American Corn ».

 

Si le lobby du maïs est si habile dans ses techniques c’est qu’il en fait une priorité depuis longtemps. S’il fait du lobbying sa priorité, c’est que les attaques sont nombreuses :

 

  • Sur la teneur en sucre des produits utilisant le maïs. [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=8TTfCE1QfYg&feature=related[/youtube]
  • Avec des campagnes contre le « high fructose corn syrup ». [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=gBxlEBkWT-Y&feature=related[/youtube]
  • Ce qui a entraîné cette réaction. « If you like your family… » [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=k5TkstcgLYQ[/youtube]
  • Sur les pressions organisées sur les producteurs indépendants. [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=-EnO6eY_BBI[/youtube]
  • Sur le maïs OGM, pour lequel le débat est intense en Europe. On regardera ici un documentaire sur Monsanto.
  • Sur l’utilisation massive d’eau pour faire pousser le maïs. (La vidéo traite de la France mais est applicable aux Etats-Unis également) [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=qlblTbgbMy0[/youtube]



Pop Corn Culture

Dans son livre Mainstream, Frédéric Martel évoque le poids du corn lobby dans le développement des multiplexes de l’industrie du cinéma. Et oui. « Dans les années 50, l’industrie du maïs identifie les salles de cinéma comme un débouché potentiel pour les surplus de maïs. Une offensive commerciale est lancée en direction des exploitants, tous pressés de vendre du pop-corn avec, en échange, des campagnes publicitaires à la clé, pour leurs salles. Des campagnes pour promouvoir le pop-corn ». La réussite est totale. Tellement que le pop-corn appartient désormais à l’imaginaire collectif d’un temps de loisirs et de détente autour d’un film. Un gérant de multiplexes, Cineplex-Odeon, rachètera même une marque de pop-corn pour en vendre les produits dans ses cinémas. Il faut dire que le jeu en vaut la chandelle avec 90% de marge sur le pop-corn. Ce qui permet de diversifier les recettes des cinémas. Ce que résume l’une des personnes interrogées par Martel dans son livre, au demeurant passionnant : « Un patron de salle de cinéma doit d’abord trouver une bonne place pour vendre du pop-corn, puis construire un multiplexe autour ».

Cela n’est pas sans doute par pour rien qu’un ancien ministre de l’agriculture de Bill Clinton, Dan Glickman, deviendra président du lobby du cinéma d’Hollywood, la MPAA, jusqu’en mars 2011.

En ce sens, le marché du pop-corn, un milliard de dollars par an aux Etats-Unis, est emblématique de la capacité de l’industrie du maïs à trouver de nouveaux débouchés et saisir les opportunités quand elles apparaissent.

On ne s’étonnera pas alors de voir cette même industrie, investir dans le domaine des carburants d’origine végétale. Comme en témoigne cet article du New York Times.


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