Taxes sur les parcs d’attractions. Mickey sourit, les finances publiques pleurent

La hausse de la TVA sur les parcs d’attraction annoncée dans un premier temps par François Fillon vient de passer à la trappe. Les députés ne la voteront pas, et une taxe sur les séjours en hôtels de luxe est prévue pour la remplacer. Ce qui fait évidemment bondir les représentants de ce secteur.

C’est peu de dire que des intérêts se sont livrés, et se livrent encore, à une bataille acharnée dans les couloirs de l’Assemblée. Et cela en lien avec ce que pensent beaucoup de Français. L’augmentation, c’est mieux pour les autres.

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Ou alors les autres.
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Des élus nationaux très loco…motives

Dans une interview au journal 20 minutes, le lobbyiste, des chasseurs entre autres, Thierry Coste, nous donne une idée des étapes de l’action des influenceurs professionnels. “Dans les 24 heures qui ont suivi l’annonce de François Fillon, il y a eu des dizaines de rendez-vous. Chaque organisation tente d’abord de rencontrer les cabinets ministériels, pour essayer de comprendre pourquoi telle mesure a été choisie et se faire une idée des marges de manœuvre possible. L’essentiel pour le lobbyiste, c’est d’être bien informé et il y a des contacts de ce type jusqu’au début du processus parlementaire. Dans le même temps, les organisations mobilisent les parlementaires”. Et des parlementaires, il y en a eu et pas des moindres. Jean-Pierre Raffarin, sénateur de la Vienne où est insallé le Futuruscope, par exemple. Le journal Le Monde en recense d’autres : “ »De nombreux élus se sont opposés à la mesure parce qu’ils ont un parc dans leur circonscription », a confirmé Philippe Marini, le rapporteur UMP du budget au Sénat. Outre Jean-Pierre Raffarin, c’est le cas par exemple de Pierre Cohen, député-maire PS de Toulouse avec la Cité de l’Espace ou encore des élus de Vendée du Mouvement pour la France qui ont déclaré que la hausse de la taxe va « totalement déstabiliser l’économie touristique et menacer directement l’avenir de grands parcs à thème nationaux comme le Puy du Fou, en Vendée. »

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Délaissant l’intérêt général de l’équilibre des finances publiques, ces élus se sont laissés aller à des considérations d’ordre territoriales. Comme cela est souvent le cas.

Un débat à sens unique en commission

La mesure aurait rapporté 90 millions d’euros. Les parcs d’attraction y voyaient un risque de perdre des clients et ont mobilisé leurs réseaux pour parvenir à leurs fins, comme les propriétaires immobiliers ont réussi leur coup, ainsi que les entreprises du CAC 40. Dans le compte-rendu de la commission des finances, on voit Hervé Novelli, lui aussi élu du Centre, défendre le statu-quo pour la TVA sur les parcs d’attraction, avec des arguments liés au statut de puissance touristique de la France.

L’ancien ministre du tourisme évoque également un argument intéressant. “Il y a un an et demi, notre majorité a adopté une mesure controversée sur la TVA réduite en faveur de la restauration, en invoquant notamment des considérations touristiques. Quelle cohérence y aurait-il, aujourd’hui, à remonter à 19,6 % le taux de TVA applicable aux parcs à thème ?”. On peut même aller plus loin qu’Hervé Novelli, quel intérêt y avait-il à baisser la TVA dans la restauration ?

L’autre raison invoquée pour ne pas taxer plus amplement les parcs d’attraction est la situation de l’Etat vis-à-vis d’Eurodisney. Dans le cadre d’une convention, l’Etat exempte Disney de certaines taxes et des augmentations possibles. C’est ce que nous disent Chantal Brunel et Michel Bouvard lors de la commission des finances.

“État s’est engagé vis-à-vis d’Eurodisney à qui il a accordé, sur ses fonds d’épargne, un prêt d’1 milliard d’euros assorti d’une garantie”, dit M. Bouvard.

“Enfin je rappelle que l’État a signé une convention le 24 mars 1987 avec Eurodisney, qui exclut cette société du relèvement de TVA envisagé. Si Disney sort de l’assiette, le rendement de la mesure ne sera plus que de 30 millions, et non de 90. Et si l’État revient sur sa parole, cela lui coûtera fort cher”, nous dit Chantal Brunel.

Intéressant.

Ce qui est aussi notable, c’est que les députés présents passent plus de temps à discuter de cette taxe, gain possible de 90 millions d’euros, plus que pour chacune des autres mesures envisagées (sauf peut-être sur la question de la dette grecque).  On leur conseille d’aller faire un tour du côté de la niche Copé. Ils ne paieront pas l’entrée et cela pourrait leur rapporter gros.

Le syndicat des parcs d’attraction a évidemment relayé ces arguments. Dans un communiqué il rappelle combien cette “hausse de 14 points est injuste et discriminatoire”. Le SNELAC précise : “Les parcs de loisirs sont l’incarnation d’un tourisme de proximité, d’un divertissement familial accessible à tous, une possibilité d’évasion et de plaisir quand on ne peut pas se payer de vacances coûteuses, et un loisir à vocation pédagogique et éducative particulièrement apprécié”.

Les billets ne représentent qu’une part minoritaire des recettes des parcs

L’argumentation tenue se tient. C’est oublier cependant un peu facilement que tous les secteurs d’activités sont impactés par des changements de fiscalité imprévus. Et que, secundo, les recettes principales des parcs d’attraction ne proviennent pas des billets d’entrée, mais des hôtels, des boutiques et de la restauration.

Restauration, dont on rappellera que son taux de TVA a diminué en 2010 sans que les effets soient manifestes sur l’addition des visiteurs de parc. C’est dommage que les députés oublient qu’ils sont les députés de la France, et aussi de tous les Français, et pas des parcs d’attraction, même si l’Assemblée est souvent une foire.

En finir avec l’irrésolution

Lors du vote des collectifs budgétaires, la tension est vive dans les couloirs de l’Assemblée. On peut le comprendre. L’an passé, la quasi-totalité du secteur du photovoltaïque, pourtant pourvoyeur d’emplois, était passé à l’as sur décision de l’Etat d’un moratoire sur les nouvelles installations pour des raisons notamment d’économies fiscales.

La nouvelle saison vestimentaire n’a pas encore débuté, mais le défilé lui a bien commencé. Devant les avancées des intérêts particuliers, des voix s’élèvent pour demander un rabot général des niches fiscales : 5% ? 10 % ? 100% ? Une manière peut-être plus simple, efficace et rapide de vaincre l’irrésolution. Sinon « il y a  Jean qui rit et Jean qui pleure » dans ce très (trop ?), petit monde.

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