Le lobbying. Qu’est-ce que c’est ? Qui le fait ?

J’ai eu le plaisir de participer à la rédaction de l’ouvrage « Lobby Planet Paris ». Ci-après l’un de mes papiers.

Découvrir le sommaire du livre  ici.

« Lobby. Nom masculin. Pluriel, lobbies. Groupe de pression ayant pour objectif d’influencer la prise de décisions en fonction de ses intérêts ». Derrière la définition littérale du dictionnaire se cache la diversité de la nature même du lobbying. Ce dernier est la résultante d’un ensemble d’actions coordonnées issues d’un groupe d’individus ou d’organisations. Mais la véritable question n’est pas tant de savoir qui en tient les rênes que leurs modalités d’action et leur conformité avec les principes démocratiques de nos sociétés. Nous sommes tous des influenceurs potentiels, mais tous les lobbies ne sont pas égaux en termes de puissance et de moyens. C’est aujourd’hui une profession, un métier, qui s’apprend, et dont l’efficacité se mesure.

A Washington DC, la capitale des Etats-Unis, on compte 77 lobbyistes par parlementaire américain. A Bruxelles, plus de 15.000 influenceurs professionnels arpentent les couloirs de la commission et du parlement. A Paris, la réalité est moins quantifiable. La pratique du lobbying en France est moins institutionnalisée, presque honteuse, souvent cachée. Les choses pourraient changer. Sous l’autorité de son président, Bernard Accoyer, l’Assemblée nationale, vient de se doter d’un code de conduite en matière de lobbying (Lire page XX). Ce faisant, les élus français reconnaissent la réalité de cette pratique au sein du Palais Bourbon. Fabricants d’ampoules basse consommation, dirigeants de chaînes de télévision, industriels du nucléaire, finalement tout ceux qui ont des intérêts à défendre, se sont faits une spécialité de faire passer sous leurs fourches caudines les amendements, les lois, les arrêtés, quand ils n’en étaient pas eux-mêmes à l’origine.

Inside et outside lobbying

Les actions de lobbying peuvent se classer en deux grandes catégories : l’inside et l’outside lobbying. Le premier vise à promouvoir une cause directement auprès du décideur. L’influence passe ici par un contact direct avec le politique. Les journées d’étude organisées à l’Assemblée nationale servent de support à ces pratiques. On se connaît, on se reconnaît. C’est d’autant plus facile quand le député fût lui-même employé du groupe qui cherche à le convaincre ou lui-même ancien lobbyiste, tel Frédéric Lefebvre, ancien dirigeant de Pic Conseil, cabinet de lobbying de la place parisienne. Le médecin représentera le monde médical. Primum non nocere. D’abord ne pas nuire… à ses intérêts. Idem pour ses élus des régions viticoles réunis dans l’association nationale des élus du vin (ANEV) (Lire page XX). Et quand ses relais d’opinion, n’existent pas, il faut les inventer. Ainsi, Sylvain Naulin vient d’être recruté par le CEEV, un lobby pro-mélange vin blanc-vin rouge pour faire du rosé, ce qui a entraîné l’ire des producteurs de ce vin contre cette proposition européenne. Quelques mois auparavant, Sylvain Naulin était membre du cabinet du ministre de l’agriculture… chargé de négocier cette évolution législative.

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Quand le phénomène de caste ne suffit pas, on s’invite. S’échangent alors petits cadeaux contre petits amendements. L’entreprise lobbyiste peut même jusqu’à rédiger les textes à la place du parlementaire à l’instar de TF1 dans le cadre de la réforme de l’audiovisuel public. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, dit l’adage qui se révèle ici d’une indéniable pertinence.

L’outside lobbying, quant à lui, recherche l’influence dans la périphérie des cercles habituels. La cible est ici l’opinion publique à laquelle sont sensibles, et pour cause, les élus. Relations publiques, relations presse, campagne de publicités dans les médias, l’idée est d’orienter l’opinion publique, les citoyens, afin qu’ils prennent position… ou pas. C’est ce qu’Areva a très bien réussi à faire au Niger (Lire page XX). Dans le cas de la loi Oudin-Santini (Lire page XX), c’est la mesure portant sur la coopération internationale qui aura été mise en avant pour assurer la promotion d’une loi très soucieuse des intérêts des multinationales de l’eau. Des multinationales que les députés Oudin et Santini connaissaient bien pour les côtoyer régulièrement au sein du Conseil Mondial de l’Eau.

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En matière de lobbying, la France ne s’apparente ni aux Etats-Unis d’Amérique ni à l’Union européenne. Ni aux Etats-Unis, car contrairement à leurs collègues américains, les parlementaires français n’ont pas besoin de fonds privés pour financer leurs campagnes électorales. Les 3,4 milliards d’euros dépensés en l’espace de dix ans par les lobbies de la santé aux USA seraient incongrus en France. Ni à l’Europe. Si les parlements nationaux conservent des pouvoirs suffisants pour que les lobbies continuent à s’y intéresser, le vrai lieu de décision au sein de l’UE est Bruxelles. On y retrouve même des lobbyistes mandatés par le gouvernement américain pour influencer les lois européennes en faveur des intérêts US ! Devant des sujets de plus en plus techniques, et de moins en moins politiques, le risque est que la discussion soit confisquée par des experts se substituant aux représentants. La complexité des lois, leurs diversités, leur nombre aussi, rendent opaques aux yeux du grand public et perméables aux pratiques des lobbies un grand nombre de débats. Si, dans une société démocratique la transparence n’est pas nécessairement le corollaire de la confiance, la première semble indispensable pour que subsiste la seconde. Cela suppose une éthique du lobbying dont l’objectif serait de combler les doutes et diminuer les suspicions. Une confiance contre une conscience, à quand un serment d’Hippocrate du lobbying ?

Encadré 1. Histoire du lobbying

On attribue au président américain Ulysse Grant, héros de la guerre de Sécession, la popularisation de l’expression lobbyiste. En 1869, Grant devient président. La Maison blanche, détruite par un incendie quelques années auparavant, ne peut l’accueillir. Il trouve refuge dans un hôtel, le Willard. La nouvelle fait le tour de Washington et tous ceux qui ont quelque chose à lui demander viennent dans le lobby (le hall) de l’hôtel le trouver. Les lobbyistes fréquentent donc le lobby de l’hôtel. Voilà pour l’anecdote. En Grande-Bretagne déjà, où le terme lobby désigne les couloirs du parlement, on appelait lobbyistes, ces influenceurs déambulant dans les couloirs du parlement britannique.

Encadré 2. Glossaire

Pantouflage. C’est l’action pour un ancien haut fonctionnaire de passer dans le privé. Cela peut poser problème quand dans l’exercice de ses anciennes fonctions il a eu à contrôler le secteur d’activité de sa nouvelle société.

Groupe d’études. L’Assemblée nationale en compte une centaine. Le Sénat un peu moins de trente. Chacun réunit des parlementaires sur des thématiques précises : l’arctique, les vignobles, les châtaigneraies ou encore le littoral.

Réseautage. A l’occasion de réunions formelles ou informelles, les membres d’un réseau, organisé autour d’une thématique, se rencontrent et échangent des informations, des conseils, des services, des recommandations…

6 thoughts on “Le lobbying. Qu’est-ce que c’est ? Qui le fait ?

  1. 27 novembre 2009 at 13 h 13 min

    Marrant… je lisais dans le bouquin d’Eric Eugene que le vrai lobbying, ce sont d’abord des groupes qui essayent d’influencer pour des « interets économiques » ou financiers et strictement!

    Donc dehors l’idée du lobby gay, juif, écolo, etc… Le lobby a une nature entierement économique. De ce fait, en effet, le pantouflage est valable uniquement pour des lobbys à interét économique, ce qui n’est pas valable dans les autres cas.

  2. admin
    7 décembre 2009 at 22 h 26 min

    Bonsoir David
    La définition du lobbying en France reste encore flou. On peut en effet la définir comme l’action d’influencer (au sens professionnel) mais par extension cela devient l’action d’influencer y compris en ce qui concerne des actions d’intérêt général. Mais le débat reste ouvert.

  3. doudou
    14 avril 2010 at 8 h 34 min

    Il ne me paraît pas logique de considérer que le lobyy puisse se faire dans le cadre de l’intérêt général. Je m’explique: les entreprises en charge de mission de service public et en situation de monopole ou de quasi monopole ne peuvent faire de lobby, pour une raison très simple, ils ne peuvent faire du lobby auprès de leur quintessence, à savoir le pouvoir politique. Ainsi je rejoins la position d’E.Eugène qui considère que le lobby se fait dès lors que des enjeux économiques et financiers apparaissent.En effet, nombreux sont l’exemple de lobby qui ont abouti à des réussites financières mais rares sont les lobby à avoir su défendre l’intérêt général. Tout groupe d’intérêt est composé d’un certain mode de représentativité, ainsi il y a fort à penser que le lobyy envisageable dès lors qu’il s’agit de l’intérêt général ne peut être fait que par son représentant: le peuple.

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