Le parlement français étudie actuellement la mise en droit français de recommandations européennes sur l’ouverture du marché des jeux d’argent sur internet. Jusqu’à présent la France s’opposait à ce principe et a tout tenté pour en retarder l’application. L’Olympique lyonnais, dont le sponsor principal pour cette saison footballistique est BetClic lesait mieux que quiconque. Malgré l’évolution programmée de la législation, il a été interdit de jouer avec son maillot mentionnant Betclic. Cette interdiction, par sa médiatisation, a néanmoins été de nature à médiatiser ce sponsor qui n’en demandait pas tant. De quoi rentabiliser partiellement sa mise de dix millions d’euros pour figurer sur le maillot du sextuple champion de France de foot.
Las, la possibilité de parier sur des sites internet est désormais possible. L’ouverture à Internet est programmée pour l’année 2010 et a fait l’objet d’intenses débats.
Les enjeux financiers sont énormes. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires aggloméré de la Loterie nationale (le loto), du Pari Mutuel Urbain (PMU, paris hippiques) et des casinos, est évalué à 20 milliards d’euros par an. L’Etat dispose de la main-mise soit parce qu’il possède les entreprises de jeux en question (Loto et PMU) soit parce qu’il accorde les autorisations nécessaires à l’implantation des casinos selon des règles draconiennes.
Dans un projet de loi datant de mars 2009 « relatif à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne », le gouvernement témoigne de cette volonté de préserver ses intérêts (une part importante des recettes lui sont directement reversées).
La question du périmètre de l’ouverture
Il est ainsi précisé les enjeux de cette évolution. « Le périmètre des jeux faisant l’objet d’une ouverture à la concurrence est limité aux jeux de hasard qui font également appel au savoir-faire des joueurs et présentent des risques d’addiction moindres, par comparaison avec des jeux de hasard pur tels que les machines à sous ou les autres jeux de loterie à fréquence de tirage élevée, pour lesquels le maintien du système actuel de droits exclusifs se justifie pleinement. Ces jeux, à savoir le pari hippique, le pari sportif et le poker sont d’ailleurs ceux qui suscitent actuellement une demande forte et une offre importante non autorisée. S’agissant des paris hippiques, seul le pari mutuel sera autorisé. Cette forme de paris, la plus répandue au monde sur les courses de chevaux, correspond à une tradition nationale fortement ancrée chez plus de six millions de joueurs, contribuant au développement d’une filière riche de plus de 60 000 emplois qu’il convient de préserver. Concernant les paris sportifs, le pari à cote est aujourd’hui la forme de pari la plus répandue. Ce type de pari est donc inclus dans le périmètre des jeux en lignes autorisés mais avec des conditions strictes d’encadrement ».
Dans un premier temps, il avait été question que la législation européenne s’applique sur le territoire de ses états-membres avant que le parlement européen ne décide à une large majorité de laisser la liberté de l’application de ses recommandations à chaque état-membre.
Qui veut gagner de l’argent en masse ?
Malgré ses limitations, qui ont fait l’objet de nombreuses tractations, cette évolution législative est l’occasion d’ouvrir une brèche dans ce monopole de fait et aspirer à se tailler une part dans le gâteau.
De nouveaux acteurs s’apprêtent à lancer leur site de paris en ligne. TF1 ainsi travaille sur la question. Son ancien P-DG, Patrick Le Lay, en fait de même. Patrick Bruel aussi. Free également. C’est le secteur du poker qui fait feu de tout bois. Ce jeu de cartes est en effet l’un des plus lucratifs sur internet dans les pays qui l’autorise.
L’autorisation, ou l’interdiction, des sites de jeux en ligne sera confiée à l’Arjel, Autorité de régulation des jeux en ligne. Présidée par Jean-François Vilotte, cette structure est déjà soumise à l’influence des parties en présence. A commencer par celle de Jean-François Vilotte lui-même. Homme de tennis, il présidait aux destinées du tournoi de Roland Garros. Dans son audition devant les parlementaires, il indiquait « que le choix gouvernemental de l’encadrement et de la régulation des paris en ligne lui paraissait le plus pertinent au vu du foisonnement et du succès des sites illégaux de jeux situés à l’étranger. Les sommes concernées sont au demeurant considérables : ainsi 140 sites francophones ont proposé des paris sur le tournoi de tennis de Paris Bercy organisé à la fin de l’année 2008, pour un montant total estimé de 500 millions d’euros de mises ». Autant d’argent que le tournoi lui-même ne peut palper.
L’ouverture des jeux d’argent en ligne (ceux qui ne relèvent pas du hasard) n’est pas sans conséquences potentielles. En premier lieu sur les dangers liés aux jeux d’argent. On estime en France à 500,000 le nombre de ludophates, souffrant de ludopathie, c’est-à-dire d’une addiction aux jeux avec les impacts financiers, psycho-sociaux, familiaux, sanitaires que cela peut entraîner chez les individus concernés. En second lieu, l’entrée de l’argent sur les paris sportifs peut laisser planer des soupçons sur l’intégrité des rencontres là où d’aucuns auraient un intérêt direct et financier à la victoire ou à la défaite d’une équipe ou d’un joueur. La tricherie et la corruption sont déjà présentes dans le monde du sport sous l’effet des sommes parfois gigantesques misées dans certains pays sur les résultats des rencontres sportives. L’Arjel aura également pour mission de préserver le monde du sport de ce poison. Dans ses prérogatives, encadrées par la justice, elle aura ainsi la possibilité de bloquer les sites internet illégaux. C’est aussi un enjeu financier pour l’Etat, on parle d’1,5 milliard d’euros de recettes supplémentaires.
Le débat au parlement se termine mais celui autour de l’Arjel commence. Il y a tout à penser qu’il connaîtra des rebondissements. On parie ?
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