La taxe carbone aura fait long feu. Présentée comme une mesure considérable à l’occasion du Grenelle de l’environnement, elle devait entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Las, différents obstacles, juridiques (1) et politiques, l’auront fait capoter. Tant et si bien que Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie, aura montré son désappointement publiquement avant de se faire tancer par le chef de l’Etat. Dans un chat-interview sur le site du journal Le Monde, le député-maire écologiste Noël Mamère accuse les lobbies d’avoir réussi à enterrer le projet de taxe carbone. Qui sont donc ces lobbies qui ont réussi à ce que l’on parle de taxe plus que de contribution par une somptueuse dérive sémantique, avant finalement de lui donner le coup de l’âne ?
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– La FNSEA. Le syndicat agricole n’a jamais dévié de sa position initiale qui consiste à considérer toute mesure de protection de l’environnement comme contraire à ses intérêts. C’est d’ailleurs au salon de l’agriculture, que Nicolas Sarkozy avait déclaré que « l’environnement, ça commence à bien faire ».
– La FNT. Représentant le secteur du transport routier, le syndicat n’a cessé de rouler contre cette taxe dont il aurait été l’un des premiers contributeurs dans un contexte concurrentiel européen qui lui est défavorable, notamment avec le dumping prix mené par les transporteurs des nouveaux pays adhérents d’Europe de l’Est, la Pologne en tête.
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Sur son blog, la députée verte Martine Billard va plus loin et accuse « les lobbies industriels de la sidérurgie, la cimenterie, les transports et l’électricité, rangés derrière la présidente du MEDEF Laurence Parisot ». Cette dernière commentait ainsi la décision : « Nous sommes soulagés, notamment pour toute l’industrie qui n’aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité. Tout au long des nombreuses réunions avec les ministères concernés, nous avons su convaincre ». En voilà cinq de plus, ce qui porte le total à sept, pas vraiment mercenaires mais pas vraiment nains non plus.
C dans l’air_ La taxe carbone, c’est quoi ? – France5
C dans l’air : le rendez-vous quotidien de l’actu. Magazine présenté par Yves Calvi qui décrypte chaque jour l’actualité politique, sociale, économique, et culturelle. http://www.france5.fr/cdanslair
Continuons.
– Les pêcheurs ont ainsi réussi à tirer leur épingle du jeu. Dans le projet, ils étaient ainsi dispensés de payer la taxe carbone sur les émissions.
– Dans la famille agriculture, je demande les oncles céréaliers, qui plus encore que d’autres secteurs agricoles, ont réussi à peser de tous leurs poids dans ces négociations. Ainsi, après les déclarations de Chantal Jouanno sur les responsables de cet enterrement furtif de la taxe carbone, au premier rang desquels, elle mettait les « céraliers intensifs », Orama, l’association qui représente ce secteur, a réagi : « Les accusations de Madame Jouanno sont injustifiées », dit-elle en substance.
– Les entreprises de transport maritime, de fret et de passagers,
– Les entreprises de services collectifs
– Et enfin, l’UMP elle-même, malgré les engagements, en proie au doute, et dont la conversion supposé à l’écologie semble plus tactique que stratégique. On a bien du mal à trouver l’interview filmée titrée « la taxe carbone est un outil essentiel », sur le site internet de de l’Elysée, un alés du nouveau site certainement.
Au total, cela en fait douze. Moi, cela me rappelle un film.
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Face à ces groupes d’intérêts, les partisans de la taxe carbone n’ont pas pu faire grand-chose. Les ONG, Greenpeace, Fondation Hulot, parfois remises en cause, ont montré sur la balance, et certaines entreprises partisanes d’une fiscalité écolo lorsque le débat n’a plus lieu dans la sphère publique mais dans les couloirs des ministères, leur poids n’est pas à la mesure de leurs aspirations.
Finalement, ce sont les plus gros contributeurs supposés qui ont fait vaciller le projet, peut-être mal emmanché, mal expliqué et mal préparé dès le départ. Preuve que la fiscalité écologique, par le malus qu’elle induit et la volonté d’en être exemptées chez les contribuables, est difficile à mettre en place et supposerait une remise à plat de la fiscalité dans son ensemble.
1. « C’est une victoire contre les lobbies et parlementaires à leurs bottes qui avaient œuvré pour introduire dans le texte d’importantes exemptions, notamment pour des activités les plus polluantes comme l’aviation ou le nucléaire. », considérait Christophe Madrolle, du Modem à l’occasion du rejet par le Conseil d’Etat du premier projet.
Formidable. Tout le monde est coupable sauf les électeurs et les partis de gauche qui ont massivement dit « non » à cette taxe. Que n’a-t-on entendu Europe écologie faire campagne pour les régionales en réclamant une taxe carbone plus élevée? Auraient-ils fait 15%? Que n’a-t-on entendu le PS faire campagne pour les régionales en proposant une alternative « sociale à la taxe carbone si décriée?
L’abandon de la taxe carbone est avant tout une réponse à des électeurs qui n’en ont pas voulu. Haro sur Sarkozy, c’est si facile…
et le pois des lobbies qui ont imposé la taxe carbone à l’agenda économique en 2007, vous n’en parlez pas !!! Votre article est à charge. C’est deux poids, deux mesures. D’un côté les méchants, que l’on appellent donc lobbies, et de l’autre, les gentils, les ONG, partis écologistes, etc., qui eux, ne sont pas des lobbies ???
Allons donc ! Même les hauts cadres de Greenpeace admettent qu’ils font du lobbying, de même qu’Hulot parlait de « lobbying des consciences » en 2007. Alors, arrêtons avec ces vues partielles et partisanes. Et ne me rétorquez pas que les uns cherchent simplement à maximiser leurs intérêts et les autres oeuvres pour le bien de l’humanité.
et pas un mot sur le fait qu’instaurer une taxe carbone uniquement en France, alors qu’il existanet un système de quotas européens, est un non sens économique !!!!
Bonsoir messieurs, et merci de vos commentaires. Je pense qu’ils sont liés à une lecture trop rapide de ce texte. Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’écologie et membre du gouvernement, a évoqué les lobbies industriels comme la cause de la suppression de la taxe carbone en l’état. J’ai donc cherché à savoir à qui pouvait profiter le crime. Cela me semble d’autant plus pertinent que la taxe carbone, à son annonce, avait été parée de toutes les vertus avant d’être remise aux calendres grecques. Comme dirait le regretté Pierre Desproges, « étonnant, non ? ». Concernant le fait que les autres pays européens ne pratiquent pas cette taxe, c’était déjà le cas au moment du vote de la loi par le parlement, n’était-il pas ?
Par ailleurs, il a déjà été question sur ce blog de l’écologie radicale et des courants écologistes dans cette note, sur les nucléophobes, http://www.lobbycratie.fr/2009/07/31/energie-nucleaire-deuxieme-partie-les-nucleophobes/, et dans ce billet sur la deep ecology, http://www.lobbycratie.fr/2009/07/08/lobby-vert-plongee-obscure-dans-l%E2%80%99ecologie-radicale/. Bonne lecture.
Des sociologues américains avaient déjà montré comment les lobbies industriels et économiques, notamment par le biais de certains relais dans les milieux et think tanks conservateurs, avaient réussi à influencer les débats sur le changement climatique (voir par exemple http://yannickrumpala.wordpress.com/2008/11/19/les-sources-du-scepticisme-environnemental/ ). La tendance est visiblement plus large et a sans doute encore de beaux jours devant elle.